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Rencontre avec Geneviève BECOULET, Manager du Centre-Ville de la Ville de Sceaux
(interview réalisée le 22 février 2016)
L’équipe de Centre-Ville en Mouvement vous emmène à quelques kilomètres au Sud de Paris pour une visite un peu particulière, dans la ville de Sceaux. Son Maire, Philippe Laurent, a en effet accueilli les 1ères Assises Nationales du Centre-Ville en Novembre 2006. Epaulé par Geneviève Bécoulet, depuis 2003, Philippe Laurent est l’un des membres fondateurs de Centre-Ville en Mouvement dont il occupe aujourd’hui le poste de Vice-Président.
Patrick NICOLAS : Bonjour Geneviève. Etre à Sceaux, aujourd’hui, c’est un peu comme se rendre à une réunion de famille : on s’y sent toujours le bienvenu !
Geneviève BECOULET : Bonjour Patrick. Effectivement, Sceaux a toujours été fidèle à « Centre-Ville en Mouvement » car nous trouvons depuis plus de 11 ans, dans l’ensemble de vos événements, une source d’inspiration pour rester à la pointe de l’innovation et Sceaux est fière d’avoir accueilli les premières Assises !
PN : Peux-tu nous décrire ta ville en quelques mots ?
GB : Sceaux est une ville d’environ 20.000 habitants située en première couronne parisienne. Elle est très bien connectée à Paris, notamment grâce à une liaison directe avec le RER B. Elle dispose de belles infrastructures, notamment un pôle universitaire de 9000 étudiants et un parc départemental très connu dans l’ensemble de la région et fréquenté par 3,6 millions de visiteurs chaque année.
Sceaux a été, en 1976, la première Ville en Ile-de-France à piétoniser ses rues commerçantes
PN : Quelles sont les forces du Centre-Ville ?
GB : Une offre globale sur le territoire composée de 297 cellules commerciales, soit 1 boutique pour 76 habitants. Cette densité est caractéristique de la région parisienne mais illustre, néanmoins, une dynamique forte sur notre commune. Il y a un phénomène de forte polarisation commerciale sur le centre-ville qui accueille près de 7 commerces sur 10. Il faut dire que Sceaux a été, en 1976, la première Ville en Ile-de-France à piétoniser ses rues commerçantes, ce qui a contribué de manière décisive à leur dynamisme.
PN : Quel est le positionnement de l’offre commerciale ?
GB : Notre Ville dispose d’une offre haut de gamme à la hauteur des exigences manifestées par sa clientèle. La qualité de ses commerces en fait une Ville de destination qui capte plus de 50% de ses clients au-delà de ses frontières. Le secteur alimentaire, en particulier, fait la renommée de Sceaux depuis toujours : boucheries et boulangers de renoms, traiteurs de grande qualité… Patrick Roger, chocolatier émérite, y a même ouvert sa première boutique ! Depuis 2003, le secteur de l’équipement de la personne a également connu un fort développement, notamment dans l’univers de la femme active mais également à destination des enfants. De nombreux concepts s’y implantent. Dernièrement, une activité de couture et de retouche a élargi son activité en créant une boutique de vêtements et costumes pour Hommes dans laquelle il est possible de concevoir des costumes sur mesure.
Le métier de Manager en perpétuelle évolution nécessite d’être à l’écoute des tendances
PN : Cela fait 13 ans que tu occupes ce poste à la Mairie de Sceaux. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur l’évolution de ton métier ?
GB : A l’image du commerce, c’est un métier en perpétuelle évolution qui nécessite d’être à l’écoute des tendances mais surtout sensible aux attentes formulées par les habitants et les commerçants, en proximité avec eux. Il faut cultiver un sens de l’observation pour détecter en amont les freins et les difficultés auxquelles le centre-ville se confronte. Il faut enfin faire preuve d’ouverture et de créativité pour favoriser une innovation permanente. A titre personnel, j’ai aussi eu la chance d’avoir des élus mobilisés et conscients de l’importance du commerce pour la vie sociale et l’attractivité du territoire, ce qui est indispensable à la réussite de ma mission.
PN : Comment mesures-tu l’évolution du commerce dans le centre-ville ?
GB : J’ai initié un petit observatoire du commerce et des loyers que j’administre au niveau de la Ville. Chaque année, nous effectuons un recensement des baux commerciaux avec leur durée restant à courir, dont nous avons connaissance, mais également des loyers pratiqués en relation avec l’union commerciale, des activités autorisées… Nous procédons également à un recensement aussi exhaustif que possible des superficies des cellules commerciales. Nous sommes maintenant très souvent sollicités par les commerçants pour diffuser leurs offres de cession de fonds (notre objectif étant une simple mise en relation des acteurs les uns avec les autres). Les agences immobilières y trouvent également un intérêt ! Cela nous permet d’élaborer, à notre petite échelle les indicateurs indispensables pour établir notre feuille de route : nombre de commerces, proportions d’enseignes nationales et de franchises, zone de chalandise, mais également : niveau de loyers pratiqués ou taux de vacance… Nous éditons chaque année une fiche synthétique destinée aux commerçants désireux de prendre connaissance des données de base pour leur secteur d’activité ou leur rue. Même les propriétaires de locaux nous consultent aujourd’hui pour connaître la valeur de leurs biens à la location, ce qui nous donne l’occasion de discuter avec eux de leurs projets.
PN : Et en ce qui concerne la demande commerciale, avez-vous procédé à des enquêtes consommateurs ?
GB : Nous avons fait, à l’occasion du FISAC, deux campagnes en 2003 et en 2006 que nous allons renouveler en 2016. Au-delà des attentes classiques des consommateurs, nous allons cette année intégrer des indicateurs de rythme de vie afin de mieux apprécier les attentes des travailleurs migrants, c’est à dire, des résidents travaillant quotidiennement en dehors des frontières de la ville. Quels sont leurs rapports au centre-ville et au commerce ? Comment rendre les services publics, les commerces et les équipements culturels plus accessibles à cette catégorie de la population ?…
Le 1er enjeu est celui de la préservation du tissu commercial dans toute sa diversité …
PN : Quels objectifs la collectivité poursuit-elle dans une ville comme Sceaux où seulement 2% des commerces sont vacants ?
GB : Le 1er enjeu est celui de la préservation du tissu commercial dans toute sa diversité. Pour cela, la ville a instauré un cadre réglementaire très strict en instaurant des protections sur certains linéaires commerciaux afin d’éviter le développement des services bancaires ou des assurances, mais pas que…. Cette mesure, également instaurée à Paris ou Lyon, nous a récemment permis d’intervenir en amont, directement auprès d’une banque, afin d’empêcher son développement en pied d’immeuble et en lui imposant un développement en étage. Nous disposons également du droit de préemption qui nous permet de discuter avec les porteurs de projets ou bien avec les commerçants souhaitant céder leur fonds de commerce. Pourquoi vouloir céder son commerce à une autre activité dès lors que la clientèle et le fonds de commerce sont d’ores et déjà établis ?
PN : Pour autant, le commerce ne peut pas rester figer et doit évoluer ?
GB : Nous en avons parfaitement conscience, c’est pourquoi nous avons incité les commerçants à repenser leurs concepts et rénover leurs boutiques, notamment grâce aux aides du FISAC qui ont permis d’initier une importante vague de réhabilitations dans le centre-ville. Cette action a permis d’améliorer sensiblement l’image du centre-ville avant 2010 mais, dans le contexte actuel, cela ne suffit plus. En particulier, à cause de l’avènement des nouvelles technologies et du commerce digital.
La plateforme Sceaux Shopping est une place de marché mutualisée à partir de laquelle les commerçants peuvent proposer leurs produits et leurs services
PN : Comment les commerçants de Sceaux ont-ils réagi face au développement du commerce électronique ?
GB : Nous avons lancé, il y a trois ans, une profonde réflexion sur ce sujet avec une quinzaine de commerçants volontaires. Nous avons établi un cahier des charges et, grâce au soutien logistique et financier de la CCI, nous avons initié la création d’une conciergerie numérique dénommée «Sceaux Shopping». Cette plateforme est une place de marché mutualisée à partir de laquelle les commerçants peuvent proposer leurs produits et leurs services. Les commerçants ont la possibilité d’administrer directement leur boutique virtuelle à partir d’un espace dédié. Par ailleurs, de nombreux services collectifs y sont proposés : livraison en consigne automatisée dans l’espace de la station RER, click-and-collect, préparation de commandes, offres promotionnelles dans des restaurants de qualité…
Par ailleurs, la Ville travaille, dans le cadre d’une action « développement durable », à la mise en place d’un service à la population avec l’acquisition ou la location d’un triporteur électrique avec lequel, sur des créneaux adaptés, un service de livraison pourrait voir le jour Une première enquête confirme que les acteurs scéens sont prêts à payer pour ce service.
PN : Quels contrôles avez-vous sur cette place de marché ?
GB : Le site est administré juridiquement par l’union des commerçants mais nous travaillons étroitement ensemble pour monter des actions de communication. Nous conseillons les commerçants sur les produits et services souhaitables sur la plateforme, pour le positionnement et le référencement de leurs offres ou de leurs promotions. Cela demande un certain investissement. Les commerçants adhèrent à Sceaux-shopping par voie de convention avec une adhésion annuelle de 100 €. A ce stade, nous comptons 310 clients, environ 1500 produits et 310 commandes. Le site reçoit une moyenne de 137 visites/jour. Les commandes sont encore faibles mais en progression constante. Le site, très bien référencé, assure une excellente visibilité pour les commerçants. Les 55 commerçants inscrits sur la plateforme ne s’y sont pas trompés et ont d’ailleurs renouvelé, sans exception, leur adhésion. Les adhésions arrivent maintenant par le bouche à oreille. Nous espérons lancer dans le courant de l’année de nouvelles offres de services avec le soutien d’étudiants stagiaires en commerce.
PN : Quelles sont les autres initiatives marquantes ?
GB : On pourrait citer, parmi d’autres initiatives, la création d’un espace de coworking (Sceaux Smart) en plein centre-ville qui offre des synergies et des perspectives intéressantes pour le commerce local. Mais, je voudrais présenter plus en détails le partenariat original noué avec PARKEON autour de la question du stationnement. Cette société, dont l’unité de production se trouve à Besançon, a conçu un service expérimental dénommé «City Connector» disponible sur des modèles innovants d’horodateurs installés sur cinq emplacements stratégiques du centre-ville de Sceaux. Ces horodateurs équipés d’un écran digital présentent aux automobilistes des offres promotionnelles dans les commerces de la Ville. Le principe est intéressant puisqu’il permet de valoriser le paiement du stationnement à travers des offres exclusives. Au 1er Février 2016 : sur les 8618 coupons affichés, 1800 coupons ont été édités et plusieurs centaines utilisés en boutique. Autre avantage intéressant à noter, ce système a permis à un vendeur d’articles de sport situés à l’extérieur du centre-ville de drainer jusqu’à son magasin une clientèle qui ignorait peut être jusqu’à son existence. On voit ici tout l’intérêt de ce système qui amène de la visibilité et du lien entre les commerces et les quartiers de la Ville !
PN : En conclusion, comment vois-tu l’avenir de ton métier ?
GB : La réforme territoriale induite par la loi NOTRe et le phénomène de métropolisation sont en train de bouleverser le système d’action publique. Il est difficile d’anticiper sur les effets de ces réformes mais il y a fort à parier que le transfert des compétences économiques vers des structures intercommunales limitent le pouvoir des Maires et éloigne encore l’administration des préoccupations des usagers. Comment les territoires vont-ils évoluer ? Comment garantir le lien social ? Il est indispensable que nous conservions une grande proximité avec les habitants et les commerçants afin de maintenir la qualité de la vie et des services en centre-ville. Mais, j’ai confiance en nos élus locaux pour y veiller.
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