ça se passe en centre-ville
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Rencontre avec Frédéric MARQUET, Manager du Commerce de Mulhouse
(interview réalisée le 23 février 2016)
Situé à la frontière de la Suisse et de l’Allemagne, l’agglomération Mulhousienne de 270.000 habitants a de nombreux atouts à faire valoir. «Centre-Ville en Mouvement» ne s’est pas trompé en y organisant une visite de terrain le 18 septembre dernier. Nous retrouvons Frédéric Marquet qui a pris ses fonctions de Manager du Commerce de Centre-Ville de Mulhouse le 3 Janvier 2011, après un parcours professionnel dans le secteur marketing et de la publicité dans le privé. Diplômé de l’Ecole de Commerce d’Angers (ESSCA) et ancien conseiller municipal délégué au commerce, Frédéric a su marquer de son empreinte son action à Mulhouse et défend quotidiennement une certaine philosophie d’intervention.
Patrick Nicolas : Bonjour Frédéric. Dans l’imaginaire collectif, Mulhouse porte l’image d’une ville austère marquée par le déclin industriel et les violents affrontements syndicaux des années 80. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Notre ville a évolué et s’est transformée intrinsèquement depuis quelques années. Les Mulhousiens se réapproprient progressivement l’histoire de leur ville…
Frédéric Marquet : Bonjour Patrick. Si je puis me permettre, Mulhouse c’est bien plus que cela ! L’histoire de notre ville s’écoule du Moyen Âge jusqu’à aujourd’hui, au 21° siècle. Mulhouse s’est transformée intrinsèquement depuis quelques années. Son image, encore marquée par cette période récente de l’histoire, est également en train de changer. Les Mulhousiens se réapproprient progressivement le centre-ville et prennent plaisir à redécouvrir les richesses de son patrimoine.
PN : Dans quel contexte le poste de Manager a-t-il été créé ?
FM : Celui d’une ville en plein bouleversement rendu possible par la création du tramway en 2006 et le programme Mulhouse Grand Centre. Ce programme, de 36 millions d’euros d’investissements sur 6 ans, c’est notamment : 200 façades rénovées, 2 km de rues réaménagées, 9.550 m2 de trottoirs abaissés, un mobilier urbain et une signalétique renouvelée. Mulhouse s’est métamorphosée pour renouveler son attractivité résidentielle et touristique. La modernisation de l’espace public, l’installation d’œuvres artistiques à ciel ouvert ou la création d’un banc de 35 mètres Place de la Réunion sont les nouveaux marqueurs d’identité de notre ville.
Le premier enjeu a consisté à apporter de la mixité dans le centre-ville (…) en lançant des opérations d’habitat emblématiques telle que la transformation d’un parking Silo en 32 lofts haut de gamme
PN : Quels étaient les enjeux pour le centre-ville ?
FM : Le premier enjeu a consisté à lancer et orienter des programmes pour apporter de la mixité dans le centre-ville et permettre notamment à des familles et à des catégories socio-professionnelles plus élevées de s’y installer. La question du renouvellement de l’habitat s’avère centrale pour combattre une forme d’appauvrissement du centre-ville avec la volonté de séduire de nouvelles catégories de population. Mulhouse s’est donné les moyens de renouveler l’offre immobilière en accompagnant la réhabilitation de l’habitat privé et en lançant des opérations emblématiques telles que la transformation d’un parking Silo en 32 lofts hauts de gamme (DRLW Architectes)…
À Mulhouse (…), nous n’avons pas fait le choix d’interdire la voiture en centre-ville car nous ne pouvons pas nous le permettre
PN : Dans quelle mesure le tramway a-t-il contribué à restaurer l’attractivité de Mulhouse ?
FM : D’abord, en rendant le centre-ville plus moderne et plus accessible à travers une offre performante de son service de transports collectifs. Mais également, en permettant la restauration du cadre de vie et des espaces publics. La création d’une infrastructure de ce type nécessite de s’interroger sur la place de la voiture en ville et le partage de la voirie. A Mulhouse, contrairement à des métropole régionales telles que Strasbourg ou Bordeaux qui ont un rayonnement naturel très important, nous n’avons pas fait le choix d’interdire la voiture en centre-ville car nous ne pouvons pas nous le permettre. Néanmoins, l’espace public a été profondément réaménagé permettant ainsi de donner une place plus importante aux piétons tout en mettant en valeur le patrimoine architectural et urbain de la cité.
PN : Dans ce contexte, comment peut être définie ta mission ?
FM : La mission qui m’a été confiée est triple. Elle consiste d’une part à redéfinir une stratégie pour renforcer le centre-ville dans sa fonction commerce. Ensuite : aller chercher les enseignes et accompagner les porteurs de projets. Enfin : assurer une mission de proximité avec les commerçants existants pour les aider au quotidien sur l’ensemble de la ville.
Notre stratégie a consisté à accompagner la montée en gamme et la différenciation de l’offre commerciale
PN : En quoi consiste la stratégie mise en place ?
FM : Notre stratégie est concentrée sur la reconquête de la clientèle extérieure à Mulhouse qui déserte ne fréquente plus suffisamment depuis plusieurs années le centre-ville au profit de la périphérie et des métropoles régionales voisines telles que Bâle ou Strasbourg. Il faut savoir que, même si le pouvoir d’achat des Mulhousiens intra muros est relativement faible, les revenus enregistrés sur la zone de chalandise de Mulhouse sont supérieurs de 27% à la moyenne nationale. Notre action a donc consisté à accompagner une montée en gamme de l’offre. Les résultats de cette politique sont en train de se faire sentir avec l’arrivée d’enseignes telles que : Mauboussin, Swarovski, Pandora, La Bovida, Max Mara ou Catimini qui répondent à la demande de cette clientèle exigeante.
PN : Cette montée en gamme a-t-elle permis de freiner l’évasion commerciale ?
FM : Oui mais à condition de s’accompagner d’une stratégie de différenciation vis-à-vis de l’offre commerciale voisine : communes, villes, périphérie… Cela passe par l’accompagnement des commerces indépendants qui représentent encore 75% des implantations commerciales recensées sur le centre-ville au cours des cinq dernières années mais également par le choix d’enseignes qui ne sont pas présentes en centres commerciaux telles que : Hema (plus grande boutique grand magasin de France sur 700 m2), H&M Home (seulement présent à Paris et Annecy) ou Starbucks (juste après Paris, Lyon, Marseille, Nice et Bordeaux) qui arrive sur 200m2 en avril.
Il faut faire de la visite du centre-ville un moment particulier (…). Cela passe par politique culturelle et événementielle riche
PN : Comment conquérir ces enseignes très sollicitées ?
FM : Contacter les développeurs d’enseignes pour leur faire visiter notre centre-ville suffit parfois à les convaincre de s’installer. Mulhouse a su créer, grâce à ces aménagements, une véritable identité. Et puis, il se passe toujours quelque chose en centre-ville. Nous essayons de multiplier les éléments d’ambiance car le commerce ne suffit plus à faire venir la clientèle. Il faut faire de la visite du centre-ville un moment particulier : une troupe de musiciens qui déambule dans les rues, une pause agréable en terrasse, la découverte d’un artiste. Cela passe par politique culturelle et événementielle riche. Par exemple, un artiste est convié chaque mois à s’approprier un mur identifié dans la ville pour y dessiner une œuvre éphémère : une fresque ou un graph ce qui donne l’occasion d’un vernissage. Et je ne parle pas des grands événements tels que le Marché de Noël (un des plus authentiques en France) ou bien du festival « Scènes de Rues », etc.
Nous avons créé une véritable communauté de fans sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook. Notre page est suivie par près de 8.000 personnes
PN : Cela n’exclut pas de faire un peu de promotion sans doute ?
FM : Effectivement. Pour séduire les enseignes, nous avons réalisé des supports de communication pour présenter les forces du territoire et nous sommes présents sur les grands salons, en particulier au MAPIC. Concernant la clientèle, nous avons créé une véritable communauté de fans sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook sur laquelle nous avons créé une page «Mulhouse Ambiance Shopping». Cette page est suivie par près de 8000 personnes qui relayent de manière très active nos informations. A titre d’exemple, un article réalisé sur l’ouverture de Starbucks a déjà été partagé près de 450 fois et a déjà généré plus de 1200 likes. Cela demande beaucoup d’énergie presque 24h/24 pour faire vivre la page mais l’impact est phénoménal…
Notre centre-ville connaît un dynamisme très fort avec un total de 336 ouvertures pour 173 fermetures ces 5 dernières années, soit un ratio de presque 2 pour 1
PN : Les résultats sont-ils à la hauteur des objectifs pour les enseignes et pour la ville ?
FM : Pour donner quelques exemples : Pandora Mulhouse réalise un chiffre d’affaires supérieur à celui de Strasbourg, Sarah Pacini est le second magasin de France après Lyon sur un total de 120 points de vente, et enfin, Petit Bateau : 1er 2ème meilleur magasin dans l’Est… Cette situation explique le dynamisme très fort que connaît aujourd’hui notre centre-ville avec un total de 336 ouvertures pour 173 fermetures ces cinq dernières années, soit un ratio de presque 2 pour 1. A fin 2015, nous comptons seulement 63 locaux vacants contre 109 locaux vacants en Janvier 2011, soit une baisse de 42% ces 5 dernières années.
PN : Comment expliques tu ce regain de forme du centre-ville ?
FM : Il y a d’abord un effet de rattrapage. Les travaux du tramway ont eu un impact considérable sur le commerce de centre-ville entraînant la fragilisation de nombreux commerces, voire leur fermeture. Ensuite, nous avons réussi à créer, au delà du travail sur les commerces, un véritable lieu de destination. L’action sur les transports, le stationnement, la mise en scène de l’espace public permettent progressivement – la conjoncture reste dure comme partout ! – de refaire venir la clientèle, en particulier en provenance d’Allemagne et de Suisse. Une réflexion a été menée sur les parcours pour faciliter la déambulation et la découverte de la ville. Ce parcours est matérialisé par des marques rouges dans la ville pour identifier les lieux d’intérêts sur plan historique, architectural, artistique ou commercial… Et, surtout, j’ai la chance à Mulhouse de travailler en synergie avec tous les acteurs, associations de commerçants, CCI, CMA, agents immobiliers… et en totale confiance avec mon adjointe et le Maire. C’est le premier facteur-clé de succès !
Mon positionnement au sein des services de la ville m’offre une visibilité et une légitimité que je n’avais pas ou moins à l’époque où mon poste était rattaché à la SEM d’agglomération
PN : Pour en revenir à ton poste, quels sont tes missions au quotidien ?
FM : J’assure principalement un travail de veille et de développement. La veille tout d’abord avec la mise en place d’une base des locaux vacants et le suivi des ouvertures/fermetures/projets dont je publie les résultats trois fois par an. C’est mon premier outil de travail et je bénéficie aujourd’hui du concours des agences immobilières pour l’alimenter. En contrepartie, je propose aux agences des porteurs de projets pour les locaux qu’elles commercialisent. Ensuite, le travail de développement. Outre le travail auprès des enseignes qui a été évoqué, cela consiste à avoir un œil sur tous les projets que mène la collectivité afin de s’assurer que la dimension commerce a bien été prise en compte. De ce point de vue, mon positionnement au sein des services de la ville m’offre une visibilité et une légitimité que je n’avais pas ou moins à l’époque où mon poste était rattaché à Citivia, la SEM d’agglomération.
PN : Tu as également créé des Ateliers du Commerce, dans quel but ?
FM : J’ai voulu, en effet, créé un rendez-vous récurrent dédié au commerce pour créer du lien avec les commerçants mais pas seulement. Sont également présents des partenaires, des consommateurs et depuis quelque temps systématiquement des journalistes ce qui nous offre des retombées presse intéressantes pour relayer l’information et les actualités du centre-ville. Ces ateliers, qui se réunissaient une fois par semaine, ont aujourd’hui une fréquence mensuelle (tous les 1er mardi du mois de 8h30 à 10h00). Ils permettent de passer des infos (travaux, événements…), d’annoncer les ouvertures de magasins mais aussi de casser les rumeurs en laissant la parole libre et en répondant systématiquement aux tentatives de déstabilisation. Leur succès est tel qu’on nous demande aujourd’hui de changer de salle pour accueillir près de 100 personnes !
PN : Merci Frédéric pour cette présentation très complète de ton quotidien qui nous aura donné envie de venir découvrir ou redécouvrir ta ville !
FM : Au plaisir d’accueillir tous ceux qui sont intéressés par ce que nous avons mis en place ici. Vraiment, n’hésitez pas, la gare TGV est en plein centre-ville ! Mulhouse est une très belle ville et y venir reste la meilleure façon de comprendre ce qui est entrepris.
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