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Rencontre avec Claire MOLINIER, Chargée de Mission politique du commerce et tourisme à Rodez Agglomération
(interview réalisée le 15 mars 2016)
Bienvenue en Pays d’Oc à Rodez. Située dans le sud-ouest de la France, au cœur d’un triangle formé par Toulouse, Clermont Ferrand et Montpellier, la préfecture de l’Aveyron est constituée de 25.000 habitants dans une aire urbaine qui en compte 55.000. Pays d’Art et d’Histoire depuis février 2014, l’agglomération ruthénoise, célébrée pour sa gastronomie et ses bonnes tables, a vu sa notoriété exploser depuis l’ouverture du musée Soulages. Avec Claire comme guide, partons à la découverte d’un centre-ville en pleine transformation urbaine et commerciale !
Patrick NICOLAS : Bonjour Claire. La peinture de Pierre Soulages, connue pour son usage des reflets de la couleur noir, a paradoxalement remis en lumière la ville de Rodez. Que représente l’ouverture du Musée Soulages dans l’histoire de votre ville ?
Claire MOLINIER : Bonjour Patrick. La fondation de Rodez remonte à plus de 2.000 ans. De nombreux vestiges antiques témoignent encore aujourd’hui d’une histoire ancienne qui fait de Rodez une cité riche d’un patrimoine architectural et urbain exceptionnel. Il est donc difficile de replacer la création du Musée Soulages dans une perspective historique mais cela représente indéniablement un tournant pour notre ville.
Le projet de musée a été pensé pour renforcer l’attractivité du cœur de ville et générer des retombées sur le plan touristique et commercial
PN : Comment l’ouverture du musée s’est-elle décidée ?
CM : Dans les années 2000, le Maire a rencontré Pierre Soulages, originaire de Rodez, pour lui proposer ce projet. D’abord réticent à l’idée de construire un musée à son nom, il s’est fait convaincre par le projet culturel et scientifique du musée, exigeant toutefois l’ouverture d’un espace de 500 m2 dédié à d’autres artistes contemporains. Avec les 1700 m2 supplémentaires d’exposition permanente, la ville dispose d’un équipement d’envergure très attractif à l’échelle régionale, mais aussi nationale et internationale. Les donations effectuées à la ville par le peintre en 2005, en 2010 et actuellement constituent les plus importantes réalisées par un artiste de son vivant.
PN : Ce musée peut-il avoir un impact sur le dynamisme commercial ?
CM : Absolument. Au delà de l’intérêt culturel, le projet de musée a été pensé pour renforcer l’attractivité du cœur de ville dans son ensemble et générer des retombées sur le plan touristique et commercial. Sa localisation, à quelques mètres à peine de la cathédrale, participe pleinement au dynamisme du centre-ville. Le musée a généré la première année quelques 300.000 visiteurs. La moyenne attendue, sur une année d’exploitation, se situe autour de 150.000 visiteurs ce qui représente autant de consommateurs potentiels pour les commerces du centre-ville. D’ailleurs, les commerçants qui avaient anticipé l’ouverture du musée en ont bénéficié pleinement tandis que de nouveaux commerces se sont installés dans notre cité.
La création du musée a permis de faire évoluer la promesse touristique favorisant ainsi l’essor du tourisme urbain générateur de fortes retombées pour le commerce local. »
PN : Quels sont les secteurs d’activité qui bénéficient le plus de l’effet musée ?
CM : L’hôtellerie, la restauration et l’épicerie fine sont les secteurs qui connaissent la plus forte croissance. Des porteurs de projets locaux, tels que « Les Thés d’Oc », « Ma petite Cantine » ou « Les Délices Lamarque » ont récemment ouvert des concepts novateurs dans l’univers des produits du terroir ou de la confiserie. Au niveau de l’hôtellerie, la chaine MERCURE a entièrement rénové son établissement tandis de nous constatons la création de nombreux meublés de tourisme de 3 et 4 étoiles. Par ailleurs, un projet très ambitieux d’hôtellerie de luxe est à l’étude sur le site de l’ancien évêché. La création du musée a permis de faire évoluer la promesse touristique en ouvrant notre ville à d’autres types de clientèles favorisant ainsi l’essor du tourisme urbain générateur de fortes retombées pour le commerce local.
Au delà de ce projet emblématique de musée, c’est une remise à niveau complète de la ville qu’il a fallu entreprendre
PN : À quels enjeux avez-vous été confrontés dans le cadre de l’installation du musée ?
CM : La première question qui s’est posée concerne le foncier pour accueillir un tel équipement. Notre chance a été de disposer d’un grand terrain au voisinage de la cathédrale, sur lequel se trouvaient un vieux jardin et un ancien terrain de foire à usage de parking « sauvage ». Ce terrain a non seulement permis la construction du musée mais également la construction d’une salle des fêtes, d’un Multiplexe de 10 salles et d’un parking souterrain de 380 places, ainsi que le réaménagement complet du jardin. Cet ensemble architectural et urbain constitue une nouvelle pièce pour le centre-ville qui va contribuer à renouveler l’attractivité et l’image de Rodez.
PN : À quel point le centre-ville s’est-il transformé ?
CM : Cette opération s’est accompagnée d’une rénovation complète des espaces publics autour du jardin et du musée mais également de nos deux principales rues commerçantes, de la place d’Armes devant la cathédrale et du carrefour St Etienne, de la suppression de 600 places de parkings de surfaces compensées par la création du parking souterrain. Nous avons également procédé à la refonte de la signalétique afin de créer un jalonnement attractif pour les visiteurs depuis l’autoroute jusqu’au cœur du centre-ville. Nous avons enfin ouvert un office de tourisme de catégorie 1 avant l’ouverture du musée.
PN : Quels effets ont eu ces travaux sur la dynamique de la ville ?
CM : L’ensemble de ces travaux publics a eu un effet de levier sur l’investissement privé, notamment dans le secteur du logement avec un accompagnement à la rénovation de l’habitat privé dans le cadre de l’OPAH RU (2012-2017) et le développement d’opérations immobilières sociales ou privées représentant près de 600 logements. L’hébergement touristique a également connu un fort développement, comme nous l’avons vu, ainsi que dans le secteur du commerce : agrandissement d’ETAM, transfert de Sergent Major de la périphérie vers le centre-ville, arrivée de deux chausseurs indépendants pour une clientèle jeune et urbaine, pérennisation d’une maroquinerie, multiplication des Galeries d’Art… Il faut réaliser que, au delà de ce projet emblématique de construction du musée, c’est une remise à niveau complète de la ville qu’il a fallu entreprendre !
Nous avons saisi l’opportunité de ce projet pour redéfinir la place de la voiture en ville et développer l’usage des transports en communs grâce à une diminution drastique des tarifs
PN : Ces travaux ont-ils rendu plus difficile l’accès au centre-ville ?
CM : Nous avons connu quatre années de travaux difficiles qui ont nécessité beaucoup de patience pour les commerçants et les usagers. A plus long terme, nous avons saisi l’opportunité de ce projet pour redéfinir la place de la voiture en ville et développer l’usage des transports en communs grâce à une diminution drastique des tarifs de 1 € à 0,20 €. La fréquentation des bus a ainsi connu une augmentation historique passant de 900.000 à 1.840.000 trajets. Nous avons également revu le plan de circulation et notre politique de stationnement grâce à la création d’un parking souterrain et la mise en place d’une zone bleue sur les secteurs de forte tension.
PN : Quels sont les enjeux aujourd’hui sur le plan touristique et commercial ?
CM : Continuer à capitaliser sur l’attractivité du musée en améliorant notre qualité d’accueil et de services. Pour cela, nous avons mis en place des outils pour faciliter l’appropriation du patrimoine : aide à la visite, label « Grand site des Pyrénées », labellisation SPôTT qui permet d’accompagner les initiatives culturelles… Nous favorisons également le rapprochement avec les sites culturels voisins : offre commerciale commune avec le musée Toulouse Lautrec à Albi, création d’une borne interactive dans le musée Soulages présentant les vitraux de l’abbatiale de Conques, liens avec l’Aveyron dans le cadre du Comité Départemental du Tourisme. Nous recherchons à étendre les durées de séjour des visiteurs sur notre ville afin de favoriser les retombées économiques.
PN : Comment les commerçants se sont-ils adaptés à cette nouvelle donne ?
CM : Il y avait un certain scepticisme au départ qui a rapidement été balayé au moment de l’ouverture du musée. Il y a une nécessité de s’adapter à cette nouvelle clientèle, sachant que la clientèle d’origine étrangère a doublé entre 2014 et 2015. Un dispositif spécifique doit être organisé pour accueillir, en particulier, une clientèle étrangère qui a doublé entre 2014 et 2015 : Espagnols, néerlandais, belges, anglais…
À Rodez, nous avons fait le choix de constituer une équipe dédiée compétente et disponible, dotée de 6 personnes dont 3 spécifiquement au commerce
PN : Au delà du projet urbain, comment se concrétise votre action au quotidien ?
CM : À Rodez, nous avons fait le choix de constituer une équipe dédiée compétente et disponible, dotée de 6 personnes dont 3 spécifiquement au commerce. Les élus fixent le cap et arbitrent les litiges tandis que nos équipes animent la relation de proximité avec les commerçants. Les rôles sont bien répartis ce qui est un gage d’efficacité contrairement à d’autres villes, petites ou moyennes, dans lesquelles les élus sont sollicités à l’excès. Un des premiers enjeux concerne l’amélioration du cadre bâti, et la rénovation des vitrines. Nous avons constaté depuis plusieurs années l’impact considérable que cette politique a sur l’attractivité de notre centre-ville. A tel point que, depuis l’arrêt du FISAC, l’agglomération a décidé de poursuivre, sur ses fonds propres, cette politique incitative en mettant à la disposition des commerçants un architecte pour les conseiller dans leurs travaux et en leur attribuant des subventions (jusqu’à 40% pour des travaux architecturaux ou d’accessibilité). Le financement de la rénovation mobilise un budget de 100 000 euros par an de la collectivité.
PN : Comment se porte le commerce de quotidienneté ?
CM : Nous disposons d’une offre importante de commerces alimentaires, malgré la concurrence périphérique. Un marché se tient deux fois par semaine et joue un rôle de locomotive pour le centre-ville. Ensuite, nous disposons en centre-ville de nombreux boulangers, bouchers, primeurs, épiceries et supermarchés de proximité (Monoprix, Proxy, Carrefour Market…). Carrefour City va s’installer fin mars dans les anciens locaux de la Poste. Par ailleurs, le Passage du Mazel, qui est un haut lieu touristique de Rodez, accueille un poissonnier, un fromager, un charcutier et un fleuriste. Il faut dire que nous avons une tradition culinaire forte dans notre région.
Nous travaillons également sur les services numériques et sur la livraison afin de lutter contre le sentiment d’inconfort que procure le portage des paquets par les consommateurs
PN : Quels moyens consacrez vous à l’animation commerciale ?
CM : Le manager est chargé de l’animation de l’espace commercial. Sa mission consiste d’abord à assurer un travail de fond sur l’offre afin de limiter la vacance commerciale. Le taux de vacance est ainsi passé de 15% à 10% entre 2012 et aujourd’hui. Il travaille avec les commerçants et les professionnels de l’immobilier pour assurer le renouvellement du commerce. Nous accompagnons l’association des commerçants CASSIOPEE dont la vocation est d’élargir son action à l’agglomération. Pour cela, nous les aidons à se doter de nouveaux outils comme la carte de fidélité qui permet de fédérer les commerçants et de développer l’autonomie financière de l’association… Nous travaillons également sur les services numériques et sur la livraison. Un dispositif innovant de livraison à domicile a d’ailleurs été mis en place par la Poste afin de lutter contre le sentiment d’inconfort que procure le portage des paquets par les consommateurs.
PN : Merci Claire pour cette visite approfondie de cette jolie ville de Rodez que tu nous auras donné envie de venir visiter. Pourquoi pas dès cet été ?
CM : Merci à toi Patrick et à toute l’équipe de « Centre-Ville en Mouvement » pour cette mise en lumière. Je vous invite à venir découvrir notre ville à l’occasion de l’exposition dédiée à Picasso du 11 juin au 25 septembre prochain, au Musée Soulages.
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